💖 Semiosis de Sue Burke

by - jeudi, septembre 05, 2019

Mon premier livre de la #rentreelitteraire2019 fut Semiosis de Sue Burke qui est paru hier chez Albin Michel Imaginaire. Premier roman de l'autrice et, bien que le roman puisse se suffir à lui-même, premier tome d'une duologie dont le second tome Interference paraitra en Octobre en VO. A l'origine de ce roman, il y a une nouvelle écrite par l'autrice : Adaptation (1999) et qui compose le premier chapitre du livre. 

Vous pouvez retrouver une interview de l'autrice concernant son roman sur le site d'Albin Michel Imaginaire (à ne lire qu'après le roman pour ne pas vous spoiler). Je remercie d'ailleurs Albin Michel Imaginaire pour ce SP.

Ils sont cinquante – des femmes, des hommes de tous horizons. Ils ont définitivement quitté la Terre pour, au terme d’un voyage interstellaire de cent soixante ans, s’établir sur une planète extrasolaire, qu’ils ont baptisé Pax. Ils ont laissé derrière eux les guerres, la pollution, l’argent, pour se rapprocher de « la nature ». Tout recommencer. Retrouver un équilibre définitivement perdu sur Terre. Construire une Utopie.
Mais avant même de fonder leur colonie, des drames mettent à mal leur idéal. Avarie sur une capsule d’hibernation, accident d’une des navettes au moment de l’atterrissage. Du matériel irremplaçable est détruit. Les morts s’accumulent.
La nature est par essence hostile et dangereuse ; celle de Pax, mystérieuse, uniquement végétale, ne fait pas exception à la règle.
Pour survivre, les colons de Pax vont devoir affronter ce qu’ils ne comprennent pas et comprendre ce qu’ils affrontent.



Semiosis nom féminin invariant en nombre. Linguistique. Relation entre le signe, le signifiant et le signifié. Dès fois que comme moi, vous vous poseriez la question du pourquoi d'un tel titre alors que ce mot n'est jamais employé dans le livre mais qui plante le décor dès le départ.


Semiosis est un Planet Opera dont le thème principal : la colonisation d'une nouvelle planète, a déjà été abordé à de nombreuses reprises en SF. Avant de lire Semiosis, j'étais plongé dans BIOS de Robert Charles Wilson : deux Planet Opera, deux histoires de colonisation d'un monde inconnu mais plein de vie, deux façons très différentes d'aborder les thèmes de l'écologie et de la compréhension inter-espèce. Ce que je veux dire c'est que bien que les thèmes abordés par Sue Burke puissent sembler peu originaux, le roman se révèle en fait étonnant et tout sauf téléphoner. Une réelle surprise pour moi et j'ai été conquise.

L'autrice a choisi de construire son histoire afin que chaque chapitre nous parle d'une génération de colons. On y découvre ainsi l'évolution d'une colonie humaine sur une planète étrangère, au travers de plusieurs personnages appartenant aux différentes générations de la colonie. 
Semiosis débute avec un groupe de 50 personnes hommes et femmes qui, grâce à des fonds privés, quittent la Terre, sa pollution, ses guerres et ses pénuries pour construire une utopie écologiste et pacifiste sur un nouveau monde. Ce pseudo paradis se nomme Pax et ses colons partis en quête d'une vie, pas meilleure, mais plus proche de leurs aspirations, sont la première génération d'une colonie humaine qui va apprendre que la nature est non seulement hostile mais qu'elle peut également se servir d'eux pour atteindre ses buts.


Le porte-parole des noyers me donne une quantité généreuse d'ions zinc. "Bon travail, bambouffon. Tes humains sont de bons animaux. N'oublie pas notre accord.
- A quelle distance au sud voulez-vous aller ?" Je lui envoie assez de carbure de calcium pour m'éclater une radicelle.
" Rapproche-moi d'animaux utiles, loin de toi."
Je me rends compte que je ne suis pas la seule plante à avoir une racine humoristique. "lesquels veux-tu ?
- Les putois.
- Eteints." A cause des bambous.
" Les geckos dragons
- Lents, betes et venimeux. Parfaits pour toi.
- Quand je pense que les humains travaillent pour une grande herbe colorée qui donne des fruits ! Qu'est ce qu'ils te trouvent ?
- Les frugivores aiment les fruits colorés, lui dis-je. Je les traite bien."
Il m'envoie du fructose, le sucre des fruits. Je lui expédie du xylose, le sucre du bois. Avant même de me doter d'une racine humoristique, j'avais compris que le sucre est une substance comique car sa structure chimique est excessivement tarabiscotée.


Sue Burke nous propose ici un récit de premier contact intelligent, ambitieux mais surtout qui fait échos à une actualité écologiste omniprésente, notamment dans les médias. Les aspirations des colons, bien qu'utopistes, sont tout à fait compréhensibles pour le lecteur qui s'attache aux pas de ses explorateurs aux allures de Monsieur-tout-le-monde. L'autrice nous présente une planète où la vie est florissante mais dangereuse, d'autant plus que les humains qui y débarquent ignorent tout des symbioses de ce monde et des aspirations de chaque espèce. Sur Pax, la vie la plus évoluée n'est pas animale mais végétale. Comment les Hommes peuvent-ils comprendre les aspirations d'une plante ? Et surtout comment communiquer et cohabiter avec une espèce végétale ? Une planète chatoyante mais aussi exigeante où la vie va s’avérer âpre pour le groupe de terriens, peu adapté à la gravité plus forte de la planète et handicapé par certains a priori terrestre, au point que l'utopie de départ ne perde tout signification devant des obstacles qui feront ressortir les plus bas instincts de certains membres.

Un roman de science-fiction particulièrement intelligent et accessible. Un savant mélange de biologie, de roman d'aventure et de série policière qui en font un roman fin et ouvert au plus grand nombre. J'ai eu un coup de cœur pour cette histoire de colonisation, où l'autrice nous parle de solitude, de premier contact, de compréhension et d'aspiration. L'intelligence n'est pas toujours là où on l'attend et la compréhension peut aller bien au-delà des besoins d'une espèce. C'est page après page que la plume de Sue Burke m'a convaincue, une touche féminine pour un récit où j'ai pleuré et ri et qui m'a pris au tripes à plusieurs moment.

Bien sur, ce roman n'est pas exempt de quelques défauts. Le plus gros problème pour moi est celui de la viabilité de la colonies en fonction du nombre d'individus qui la compose. J'avais beaucoup aimé le premier tome de La romance de ténébreuse de Marion Zimmer Bradley pour son explication de la validité d'une colonie humaine en fonction du nombre d'individus. L'autrice donnait au lecteur une bonne vision des problématiques rencontrées avec une communauté réduite où automatiquement la consanguinité guette. Dans les premiers chapitres de Semiosis, on sent que même si l'autrice aborde le sujet comme une problématique de la colonie, le fait qu'à la troisième génération, environ un quart des enfants aient le même père me pose question sur la possibilité pour la colonie de perdurer... On pourrait aussi mentionner un coté parfois un peu "naïf" du récit et j'ai été également un peu gênée par le choix de l'autrice, qui contrairement a beaucoup d'autre auteur, ne rebaptise pratiquement rien sur Pax : on y retrouve des tulipes, un bambou, des noyers, des lentilles... un choix qui d'une certaine façon rend ce récit très accessible même si c'est peut être plus perturbant pour les lecteurs de SF expérimentés. Mais malgré ces quelques remarques, j'ai trouvé ce premier roman particulièrement réussi.


L'eau c'est la vie. En tout cas, c'est ce que disent les plantes. Je n'ai pas discuté de croyances spirituelles avec les humains, mais ils célèbrent les équinoxes et les solstices, se livrent à des observations minutieuses des étoiles, et chaque étoile est un soleil. Je soupçonne que les humains révèrent implicitement le soleil. L'ensoleillement étant prévisible, le soleil est un objet de révérence qui convient à des êtres cycliques tels que les animaux. L'eau est vénérée par les plantes non parce qu'elle est indispensable mais parce qu'elle est imprévisible : inondations et sécheresses.


Semiosis est à la frontière de beaucoup d'autres récits. On y retrouve un peu de Nausicaa et la vallée du vent d'Hayao Miyasaki mais aussi du cycle de l'Ekumen d'Ursula LeGuin. On y parle de survie et de partage mais aussi de la mort inéluctable Un roman écologiste où les plantes se servent des humains et les humains dépendent des plantes. Sue Burke nous parle avec beaucoup de détails du fonctionnement de ce monde magnifiquement dangereux où des batailles invisibles font rage pour survivre et prospérer. Laissez-vous tenter par ce voyage et venez faire la connaissance de Stevland le bambou arc-en-ciel, jouer à travailler avec les fippochats et cohabiter avec les noyers, les tulipes et autres végétaux qui aiment bien avoir des animaux à leur service ! En plus, une fois lu, vous comprendrez les private joke qui circulent sur twitter du genre "Fais pas ta Tulipe" ou encore "T'as pas de racine humoristique" qui autrement vous laisseront dubitatif ;)

"Et nous, qu'est ce qu'on obtient, bambouffon ? demande le porte-parole des noyers. Les intrus nous abattent. Nous aussi, nous apprécions notre relation avec les animaux de la cité. Nous avons beaucoup à offrir."

Vous l'aurez compris, j'ai eu un coup de cœur pour ce récit qui m'a surprise et m'a fait passé par une myriade d'émotions page après page. Pour moi, un des meilleurs Planet Opera que j'ai lu. Je trouve que Sue Bruke réussit particulièrement bien à nous proposer un très bon récit de Science-Fiction qui s'avère aussi être grand public, un peu dans le genre d'Avatar de James Cameron qui se voulait de la bonne SF mais destinée à un large public. Albin Michel Imaginaire nous propose une nouvelle fois un titre de SF original que je ne peux que vous conseiller ! Surtout que je veux absolument lire la suite en VF moi ;)



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14 commentaires

  1. Je l'ai terminé hier et je suis assez d'accord avec toi. Pour les noms des plantes, ça se comprend je trouve. J'ai beaucoup aimé la narration et le fait de donner la parole à Stevland. Et moi aussi j'aimerai lire la suite en français :)

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    1. Je sais pas pourquoi mais ça m'a perturbé ces noms de plantes très "terriens"...
      On est d'accord la narration est un gros plus, j'adore cette idée de chapitre par génération. Hate de lire ta chronique ^^

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  2. Je ne suis pas convaincue/tentée par toutes les publications d'AIM jusque-là - et leurs livres divisent souvent ! - mais celui-là fait quand même très envie et quasiment l'unanimité.

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    1. C'est vrai que les avis divergent souvent mais c'est aussi parce qua AMI a choisi de publier de nouveaux auteurs ou des livres qui sortent de l'ordinaire. perso pour le moment j'ai lu 5 livres : j'ai eu deux coups de cœur et deux livres qui m'ont beaucoup plu. Celui-là est une de mes préférés avec American Elsewhere ;)

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  3. Je n'avais pas tilté le nom des plantes, surement pour que cela nous parle ! Difficile de faire autrement.

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    1. En fait, je me rends compte qu'il n'y a peut être que moi que ça a perturbé...

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  4. J'ai l'impression de revivre la sortie de "Les étoiles sont légion" : un avis positif, un avis négatif, un avis positif, ... Il n'y a qu'une chose de sûre : il faut le lire pour comprendre les blagues du moment, ça fait un argument de poids. =P

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    1. Oui les avis sont assez contrastés mais je savais que l'argument des blagues serait déterminant !

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  5. Perso, je ferai l'impasse sur la suite…

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  6. Mdr ^^ Il faut de tous les avis pour faire une blogosphère ;)

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  7. Je te rejoins sur ton avis. Un roman qui contient des défauts mais qui provoque tout de même un coup de coeur pour sa richesse, son originalité et ses valeurs. Pour le nom des plantes (tulipes, noyers, etc.) je pense que c'est dû au fait que les colons les ont nommés en fonction de ce à quoi elles se rapprochaient le plus sur Terre. Enfin c'est comme ça que je le justifie dans mon esprit. Les fippochats ressemblant à des chats mais étant tout de même forts différents ont eu le droit à un nom proche de la référence et nouveau à la fois. Je me dis que pour les plantes ils ont chercher la simplification pour que chaque membre de la colonie comprenne de quoi l'autre parle.

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    1. Bon ok il y a que moi que ça a perturbé alors XD
      Mais c'est vrai aussi que cette "simplification" rend le livre encore plus accessible par les personnes peu habituées au Planet Op' !

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    1. <3 tu vas voir je suis sure que tu vas etre contente de rencontrer Stevland toi aussi ^^

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